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Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/184

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les deux hommes se trouvent en présence, l’amant et le mari, sachant tout, acculés tous deux dans cette position effroyable que leur font leurs cœurs, les lois, les mœurs du pays qu’ils habitent. Ils sont comme en dehors du monde, face à face, et ils comprennent qu’ils n’ont plus qu’à mourir. Ils meurent donc, et la leçon est complète.

Ce qui a révolté le public, c’est que cette histoire, ces personnages sont trop vrais. On a eu l’impudente hypocrisie de feindre le doute sur l’existence de Valentine dans le monde réel. Ouvrez les yeux, pauvres aveugles ; l’adultère est ici et là, partout ; les larrons d’honneur sont toute une foule. Il est vrai que vous trouverez fort peu de Cécile. Sauf cette jeune femme qui tient ses deux mains serrées sur son cœur pour l’étouffer, tous les personnages sont mauvais, gâtés par le milieu où ils vivent. Armand, qui a le courage de la mort, n’a pas le courage de son amour ; il est lâche devant Valentine qui s’est donnée à lui. Robert punit Armand d’un crime qu’il a commis dix fois lui-même. Les maris et les amants qui se trouvaient dans la salle n’ont pas voulu se reconnaître, et ils ont murmuré.

Les gens d’expérience ont déclaré que ce n’était pas là une pièce, mais un fait-divers dialogué ? Je ne comprends pas bien. Est-ce que tout drame n’est pas un événement de la vie mis en dialogue. Il y a des règles, dites-vous, pour faire une bonne pièce. Il n’y a pas de règles pour émouvoir, pour s’adresser à la raison et au cœur. J’accorde que la pièce de M. de Gi-