Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/203

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ploie comme il peut son monde alsacien. Ainsi, nous assistons à ce singulier spectacle dont j’ai parlé, de créatures étrangères à notre vie et animées cependant des sentiments de l’époque. Je le répète, ces créatures sont des poupées qui représentent des pensées et non des cœurs.


III


Dans les quatre volumes qui me restent à examiner. Erckmann-Chatrian a étudié notre histoire à une époque grandiose et sanglante, à l’heure de nos plus grandes gloires et de nos plus grands châtiments. L’enseignement qui se dégage de ces livres peut être exprimé par ce précepte : « Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas que l’on vous fasse. » C’est-à-dire restez tranquilles à vos foyers, ne portez pas le fer et le feu chez vos voisins, ou les voisins viendront à leur tour ravager vos champs et s’asseoir dans vos villes. L’auteur montre les peuples aux prises ; il fait un tableau horrible de la guerre, et il réclame par là la paix universelle ; il demande qu’on laisse le paysan à la charrue, l’ouvrier à son outil. Il n’a d’ailleurs tiré aucun autre parti de l’époque historique qu’il a choisie ; il y a vu seulement une grande effusion de sang, des morts et des blessés, et il a demandé grâce pour les humbles et les travailleurs. C’est là de l’his-