Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/227

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Donc, le professeur, admettant toutes les écoles comme des groupes d’artistes exprimant un certain état humain, va les étudier au simple point de vue accidentel ; je veux dire qu’il se contentera d’expliquer leur venue et leur façon d’être. Ce ne seront plus que des faits historiques, comme je l’ai dit tout à l’heure, des faits physiologiques aussi. Le professeur se promènera dans les temps, fouillant chaque âge et chaque nation, ne rapportant plus les œuvres à une œuvre typique, les considérant en elles-mêmes, comme des produits changeant sans cesse et puisant leur beauté dans la force et la vérité de l’expression individuelle et humaine. Dès lors, il entrera dans le chaos, s’il n’a en main un fil qui le conduise au milieu de ces mille produits divers et opposés ; il n’a plus de commune mesure, il lui faut des lois de production.

C’est ici que M. Taine, le mécanicien que vous savez, pose sa grande charpente. Il affirme avoir trouvé une loi universelle qui régit toutes les manifestations de l’esprit humain. Désormais, il expliquera chaque œuvre, en en déterminant la naissance et la façon d’être ; il appliquera à chacune le même procédé de critique ; son système va être en ses mains un instrument de fer impitoyable, rigide, mathématique. Cet instrument est d’une simplicité extrême, à première vue ; mais on ne tarde pas à y découvrir une foule de petits rouages que l’ingéniosité du professeur met en mouvement dans certains cas. En somme, je crois que M. Taine se sert en artiste de ce compas avec lequel il mesure