Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/229

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nant la loi qui lui permet de constater et d’expliquer avec méthode.

L’amour de l’ordre, de la précision, n’est jamais aussi fort chez M. Taine que lorsqu’il est en plein chaos. Il adore l’emportement, les forces déréglées, et plus il entre dans l’anarchie des facultés et des tempéraments, plus il devient algébrique, plus il cherche à classer, à simplifier.

Il imagine une comparaison pour nous rendre sensible sa croyance sur la formation et le développement des instincts artistiques. Il compare l’artiste à une plante, à un végétal qui a besoin d’un certain sol, d’une certaine température pour grandir et donner des fruits. « De même qu’on étudie la température physique pour comprendre l’apparition de telle ou telle espèce de plantes, le maïs ou l’avoine, l’aloès ou le sapin, de même il faut étudier la température morale pour comprendre l’apparition de telle espèce d’art, la sculpture païenne ou la peinture réaliste, l’architecture mystique ou la littérature classique, la musique voluptueuse ou la poésie idéaliste. Les productions de l’esprit humain, comme celles de la nature vivante, ne s’expliquent que par leur milieu. » Donc, il y a une température morale faite du milieu et du moment ; cette température influera sur l’artiste, trouvera en lui des facultés personnelles et des facultés de race qu’elle développera plus ou moins.

« Elle ne produit pas les artistes ; les génies et les talents sont donnés comme les graines ; je veux