Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/263

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science et de brièveté. Là, il n’y a plus d’appréciation historique, il n’y a que de simples renseignements, très complets et très succincts, et je suis heureux de pouvoir admirer à mon aise. Si l’Histoire de Jules César n’avait pas pour vivre le nom de son auteur, elle aurait tout au moins la masse considérable des documents qu’elle renferme ; on la consulterait, attiré, non pas peut-être par la largeur et la vérité des vues, mais par l’abondance des matériaux.

Quant à la partie purement littéraire, au style, j’avoue ne pas goûter cette allure solennelle, un peu pesante, cette nudité de la phrase, cette grisaille effacée. Je sais que dans les traités de rhétorique on trouve une recette particulière pour chaque style, et qu’il y est bien défendu de mettre les moindres épices dans le style historique. Toutefois Michelet m’a gâté ; j’aime la phrase vivante et colorée, même, surtout allais-je dire, lorsqu’il s’agit de ressusciter devant moi les hommes et les événements d’un autre âge. Je ne puis croire que la vérité de l’histoire demande absolument une gravité convenue. Je lis les livres qui se font lire, et rien n’est plus fatigant que la lecture d’un livre grave. D’ailleurs, c’est encore ici une question de relation. La vie du César providentiel demandait à être écrite sur le ton de l’épopée.

Pour me résumer et pour conclure, je répéterai ici l’opinion que j’ai déjà exprimée plus haut : l’auteur de l’Histoire de Jules César, malgré les prétentions qu’il paraît avoir, me parait être plutôt un politique pratique qu’un historien philosophe.