Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/28

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comme l’honnête homme du livre, est malsaine. Ce Boissier est un garçon habile qui s’est fait prêtre pour se faire évêque ; il prend le froc afin de monter plus vite, invente des miracles, se moque des hommes et du ciel ; d’ailleurs, selon l’auteur, un cœur honnête et une grande intelligence, qui, au dénoûment, lorsqu’il a la crosse et la mitre, abdique et va vivre ignoré dans un coin perdu. Pourquoi ? on ne peut le deviner. Pour moi, l’honnête homme du livre est un coquin à qui le remords empêche de garder ce qu’il a volé à Dieu.

Il y en a deux autres de cette force-là dans l’œuvre : l’abbé Gabrier, qui se fait capucin pour devenir un second Lacordaire, et l’abbé Guillard, qui gagne le chapeau rouge en prenant la robe de moine. J’ai cherché vainement une nature étudiée dans le livre. Les personnages manquent tous d’honnêteté ou de raison. Abel Grenier, l’imbécile qui fournit les fonds pour reconstruire l’abbaye, est un sot et un vaniteux ; l’évêque de Poitiers est plus sot et plus vaniteux encore ; les comparses sont ivrognes ou fanatiques, et ont tous la même vulgarité. C’est là un monde de convention, la caricature du monde réel. Il y a une mauvaise foi évidente dans ces peintures trop poussées au noir.

En somme, l’œuvre est un pamphlet contre les moines. Elle a la prétention de prouver leur inutilité et le danger que présente pour la société moderne leur esprit entreprenant et envahisseur. Elle les plaisante agréablement sur leurs miracles et leurs liqueurs digestives, qu’ils fabriquent dé concert : les miracles à