Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/329

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nous, — que c’est ici une apothéose de féerie, lorsque les feux de Bengale sont allumés, et que des lueurs jaunes et rouges donnent à chaque objet une apparence morte ?

Quant à MM. Gérome et Dubuffe, je suis excessivement satisfait de ne pas avoir à parler de leur talent. Je le répète, je suis fort sensible au fond, et je n’aime pas à faire du chagrin aux gens. La mode de M. Gérome baisse ; M. Dubuffe a dû prendre une peine terrible, dont il sera peu récompensé. Je suis heureux de n’avoir pas le temps de dire tout cela.

Je regrette une chose : c’est de ne pouvoir accorder une large place à trois paysagistes que j’aime : MM. Corot, Daubigny et Pissaro. Mais il m’est permis de leur donner une bonne poignée de main, — la poignée de main de l’adieu.

Si M. Corot consentait à tuer une fois pour toutes les nymphes dont il peuple ses bois, et à les remplacer par des paysannes, je l’aimerais outre mesure.

Je sais qu’à ces feuillages légers, à cette aurore humide et souriante, il faut des créatures diaphanes, des rêves habillés de vapeurs. Aussi suis-je tenté parfois de demander au maître une nature plus humaine, plus vigoureuse. Cette année, il a exposé des études peintes sans doute dans l’atelier. Je préfère mille fois une pochade, une esquisse faite par lui en pleins champs, face à face avec la réalité puissante.

Demandez à M. Daubigny quels sont les tableaux qu’il vend le mieux. Il vous répondra que ce sont justement ceux qu’il estime le moins. On veut de la