Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/382

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tiers aujourd’hui pour un peu de pesanteur, l’esprit français s’en mêle, et ce sont des gorges chaudes à réjouir les plus tristes.

Et voilà comme quoi une troupe de gamins a rencontré un jour Édouard Manet dans la rue, et a fait autour de lui l’émeute qui m’a arrêté, moi passant curieux et désintéressé. J’ai dressé mon procès-verbal tant bien que mal, donnant tort aux gamins, tâchant d’arracher l’artiste de leurs mains et de le conduire en lieu sûr. Il y avait là des sergents de ville, — pardon, des critiques d’art, — qui m’ont affirmé qu’on lapidait cet homme parce qu’il avait outrageusement souillé le temple du Beau. Je leur ai répondu que le destin avait sans doute déjà marqué au musée du Louvre la place future de l’Olympia et du Déjeuner sur l’herbe. Nous ne nous sommes pas entendus, et je me suis retiré, car les gamins commençaient à me regarder d’un air farouche.


FIN