Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/72

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âge ont été. L’humanité a marché depuis lors.

Il ne s’agit pas de conclure simplement que les exercices du corps sont nécessaires, il faut dire quelle peut être aujourd’hui la mission de ces exercices, et dans quelle mesure nous sommes prêts à les accepter. Je m’explique.

Imaginez des peuples enfants, vivant sous un soleil ami, ivres de lumière. Les villes blanches s’ouvrent toutes larges. Elles se gouvernent, se défendent, grandissent en liberté. Les peuples de ces villes jouissant du matin de l’humanité, aiment la vie pour elle-même ; ils sont intelligents, d’une intelligence saine et forte, délicats et ingénieux dans leurs goûts, parce qu’ils ont du soleil autour d’eux et qu’ils sont eux-mêmes beaux et nobles. La chair l’emporte ; ils la divinisent, ils cherchent la vérité dans la beauté ; leur esprit, pleinement contenté par les objets visibles, ne cherche pas à en pénétrer l’essence, ou se plaît à matérialiser les pensées abstraites qui se trouvent au fond de toutes choses. Il y a équilibre, santé, épanouissement du corps. Tout les invite à la culture de ce dernier : le climat qui a des douceurs caressantes, leur état social qui demande des soldats vigoureux, leur goût personnel qui les conduit à admirer un beau membre, un muscle ferme et gracieux. Ils vivent demi-nus, se connaissent à la forme excellente d’une jambe ou d’un bras, comme nos dames d’aujourd’hui se connaissent à la coupe plus ou moins élégante d’une robe. Leur grande affaire est d’être beaux et forts ; ils n’ont pas d’autres occupations ; ils ne naissent pas pour ré-