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Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/73

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soudre des problèmes ni trouver des vérités, ils naissent pour se battre, pour grandir en vigueur et en grâce. Les influences réunies du climat et des mœurs ont fait de ces peuples des lutteurs et des coureurs, des soldats et des dieux. La Grèce, au début, n’a été qu’un vaste gymnase où filles et garçons, hommes et femmes, cherchaient la beauté et la force.

Plus tard, aux temps de la Rome impériale, il n’en est déjà plus de même. Le luxe est venu, et la corruption, et la volupté paresseuse. Les corps s’amollissent, les exercices n’ont plus leur rudesse salutaire. Il y a alors des gens qui font métier de se battre ; ce n’est plus la nation entière qui descend au gymnase, et, si quelque grand lutte encore, c’est par passion malsaine. Il y avait, à Lacédémone, une véritable grandeur dans l’ensemble des exercices : le peuple allait là, avec dévotion, simplement et pudiquement, comme le moyen âge allait à l’église. À Rome, les exercices sont devenus des jeux ; l’élégance est sacrifiée à la brutalité ; on se bat parce qu’on se tue, et que le sang est doux à voir couler, quand on a usé toutes les autres voluptés. On ne saurait comparer les champs de Mars de la Grèce aux cirques romains : là, il n’y avait pas de spectateurs, le peuple entier luttait et se fortifiait ; ici, tandis que les gladiateurs énormes, aux muscles de fer, s’assommaient à coups de poing, sur les gradins s’étalaient les efféminés et les courtisanes aux chairs molles et dissoutes par les orgies.

Puis vient le mysticisme, le dédain du corps, et les