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LES ROUGON-MACQUART.

— Si, ma chère, seulement j’ai voulu faire une expérience. Et puis, j’étais assez satisfaite d’un premier achat, d’un manteau de voyage… Mais, cette fois, ça n’a pas réussi du tout. Vous avez beau dire, on est fagotée, dans vos magasins. Oh ! je ne me gêne pas, je parle devant monsieur Mouret… Jamais vous n’habillerez une femme un peu distinguée.

Mouret ne défendait pas sa maison, les yeux toujours sur elle, se rassurant, se disant qu’elle n’aurait point osé. Et ce fut Bouthemont qui dut plaider la cause du Bonheur.

— Si toutes les femmes du beau monde qui s’habillent chez nous s’en vantaient, répliqua-t-il gaiement, vous seriez bien étonnée de notre clientèle… Commandez-nous un vêtement sur mesure, il vaudra ceux de Sauveur, et vous le payerez la moitié moins cher. Mais voilà, c’est justement parce qu’il est moins cher, qu’il est moins bien.

— Alors, elle ne va pas, cette confection ? reprit madame de Boves. Maintenant, je reconnais la demoiselle… Il fait un peu sombre, dans votre antichambre.

— Oui, ajouta madame Marty, je cherchais où j’avais déjà vu cette tournure… Eh bien ! allez, ma chère, ne vous gênez pas avec nous.

Henriette eut un geste de dédaigneuse insouciance.

— Oh ! tout à l’heure, rien ne presse.

Ces dames continuèrent la discussion sur les vêtements des grands magasins. Puis, madame de Boves parla de son mari, qui, disait-elle, venait de partir en inspection, pour visiter le dépôt d’étalons de Saint-Lô ; et, justement, Henriette racontait que la maladie d’une tante avait appelé la veille madame Guibal en Franche-Comté. Du reste, elle ne comptait pas non plus, ce jour-là, sur madame Bourdelais, qui, toutes les fins de mois, s’enfermait avec une ouvrière, afin de passer en