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AU BONHEUR DES DAMES.

pour qu’il n’eût pas l’air d’un coureur, s’assurant que Pépé avait un mouchoir propre. Ce jour-là, quand elle vit les yeux gros de ce dernier, elle le sermonna doucement.

— Sois raisonnable, mon petit. On ne peut pas interrompre tes études. Je t’emmènerai aux vacances… As-tu envie de quelque chose, hein ? Tu préfères que je te laisse des sous, peut-être.

Puis, elle revint vers l’autre.

— Aussi, toi, petit, tu lui montes la tête, tu lui fais croire que nous allons nous amuser !… Tâchez donc d’avoir un peu de raison.

Elle avait donné à l’aîné quatre mille francs, la moitié de ses économies, pour qu’il pût installer son ménage. Le cadet lui coûtait gros au collège, tout son argent allait à eux, comme autrefois. Ils étaient sa seule raison de vivre et de travailler, puisque, de nouveau, elle jurait de ne se marier jamais.

— Enfin, voici, reprit Jean. Il y a d’abord, dans ce paquet, le paletot havane que Thérèse…

Mais il s’arrêta, et Denise en se tournant pour voir ce qui l’intimidait, aperçut Mouret debout derrière eux. Depuis un instant, il la regardait faire son ménage de petite mère, entre les deux gaillards, les grondant et les embrassant, les retournant comme des bébés qu’on change de linge. Bourdoncle était resté à l’écart, l’air intéressé par la vente ; et il ne perdait pas la scène des yeux.

— Ce sont vos frères, n’est-ce pas ? demanda Mouret, après un silence.

Il avait sa voix glacée, cette attitude rigide dont il lui parlait à présent. Denise elle-même faisait un effort, afin de rester froide. Son sourire s’effaça, elle répondit :

— Oui, monsieur… J’ai marié l’aîné, et sa femme me l’envoie, pour des emplettes.