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Page:Emile Zola - Au bonheur des dames.djvu/520

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LES ROUGON-MACQUART.

et l’étalage de cet argent la blessait. Au-dessus d’elle, comme s’il eût regardé la scène, le portrait de madame Hédouin, dans son cadre d’or, gardait l’éternel sourire de ses lèvres peintes.

— Vous êtes toujours résolue à nous quitter ? demanda Mouret, dont la voix tremblait.

— Oui, monsieur, il le faut.

Alors, il lui prit les mains, il dit dans une explosion de tendresse, après la longue froideur qu’il s’était imposée :

— Et si je vous épousais, Denise, partiriez-vous ?

Mais elle avait retiré ses mains, elle se débattait comme sous le coup d’une grande douleur.

— Oh ! monsieur Mouret, je vous en prie, taisez-vous ! Oh ! ne me faites pas plus de peine encore !… Je ne peux pas ! je ne peux pas !… Dieu est témoin que je m’en allais pour éviter un malheur pareil !

Elle continuait de se défendre par des paroles entrecoupées. N’avait-elle pas trop souffert déjà des commérages de la maison ? Voulait-il donc qu’elle passât aux yeux des autres et à ses propres yeux pour une gueuse ? Non, non, elle aurait de la force, elle l’empêcherait bien de faire une telle sottise. Lui, torturé, l’écoutait, répétait avec passion :

— Je veux… je veux…

— Non, c’est impossible… Et mes frères ? j’ai juré de ne point me marier, je ne puis vous apporter deux enfants, n’est-ce pas ?

— Ils seront aussi mes frères… Dites oui, Denise.

— Non, non, oh ! laissez-moi, vous me torturez !

Peu à peu, il défaillait, ce dernier obstacle le rendait fou. Eh quoi ! même à ce prix, elle se refusait encore ! Au loin, il entendait la clameur de ses trois mille employés, remuant à pleins bras sa royale fortune. Et ce million imbécile qui était là ! Il en souffrait comme d’une ironie, il l’aurait poussé à la rue.