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LES ROUGON-MACQUART.

Mais le bruit des voix montait déjà, Fagerolles racontait une histoire.

— Oui, mon vieux, à l’École, ils corrigent le modèle… L’autre jour, Mazel s’approche et me dit : « Les deux cuisses ne sont pas d’aplomb. » Alors, je lui dis : « Voyez, monsieur, elle les a comme ça. » C’était la petite Flore Beauchamp, vous savez. Et il me dit, furieux : « Si elle les a comme ça, elle a tort. »

On se roula, Claude surtout, à qui Fagerolles contait l’histoire, pour lui faire sa cour. Depuis quelque temps, il subissait son influence ; et, bien qu’il continuât de peindre avec une adresse d’escamoteur, il ne parlait plus que de peinture grasse et solide, que de morceaux de nature, jetés sur la toile, vivants, grouillants, tels qu’ils étaient ; ce qui ne l’empêchait pas de blaguer ailleurs ceux du plein air, qu’il accusait d’empâter leurs études avec une cuiller à pot.

Dubuche, qui n’avait pas ri, froissé dans son honnêteté, osa répondre :

— Pourquoi restes-tu à l’École, si tu trouves qu’on vous y abrutit ? C’est bien simple, on s’en va… Oh ! je sais, vous êtes tous contre moi, parce que je défends l’École. Voyez-vous, mon idée est que, lorsqu’on veut faire un métier, il n’est pas mauvais d’abord de l’apprendre. 

Des cris féroces s’élevèrent, et il fallut à Claude toute son autorité pour dominer les voix.

— Il a raison, on doit apprendre son métier. Seulement, ce n’est guère bon de l’apprendre sous la férule de professeurs qui vous entrent de force dans la caboche leur vision à eux… Ce Mazel, quel idiot ! dire que les cuisses de Flore Beauchamp ne sont pas d’aplomb ! Et des cuisses si étonnantes, hein ?