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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/117

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L’ŒUVRE.

dans l’herbe, sous l’or flambant du soleil. Non, ce n’était pas elle, cette fille n’avait ni son visage ni son corps : comment avait-elle pu se reconnaître, dans cet épouvantable gâchis de couleurs ? Et son amitié s’attendrit d’une pointe de pitié pour ce brave garçon, qui ne faisait pas même ressemblant. Au départ, sur le seuil, ce fut elle qui lui tendit cordialement la main.

— Vous savez, je reviendrai.

— Oui, dans deux mois.

— Non, la semaine prochaine… Vous verrez bien. À jeudi. 

Le jeudi, elle reparut, très exacte. Et, dès lors, elle ne cessa plus de venir, une fois par semaine, d’abord sans date régulière, au hasard de ses jours libres ; puis, elle choisit le lundi, madame Vanzade lui ayant accordé ce jour-là, pour marcher et respirer au plein air du bois de Boulogne. Elle devait être rentrée à onze heures, elle se hâtait à pied, elle arrivait toute rose d’avoir couru, car il y avait une bonne course de Passy au quai de Bourbon. Pendant quatre mois d’hiver, d’octobre à février, elle s’en vint ainsi sous les pluies battantes, sous les brouillards de la Seine, sous les pâles soleils qui attiédissaient les quais. Même, dès le deuxième mois, elle arriva parfois à l’improviste, un autre jour de la semaine, profitant d’une course dans Paris pour monter ; et elle ne pouvait s’attarder plus de deux minutes, on avait tout juste le temps de se dire bonjour : déjà, elle redescendait l’escalier, en criant bonsoir.

Maintenant, Claude commençait à connaître Christine. Dans son éternelle méfiance de la femme, un soupçon lui était resté, l’idée d’une aventure galante en province ; mais les yeux doux, le rire clair de la