Aller au contenu

Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
167
L’ŒUVRE.

Malgras, très sale, allant de tableau en tableau avec sa moue de fin dégustateur, tombant en arrêt devant le sien, immobile, absorbé. Alors, il se retourna vers Fagerolles, il l’étonna par cette réponse tardive :

— On est bête comme on peut, mon cher, et il est à croire que je resterai bête… Tant mieux pour toi, si tu es un malin !  

Tout de suite, Fagerolles lui tapa sur l’épaule, en camarade qui plaisante, et Claude se laissa prendre le bras par Sandoz. On l’emmenait enfin, la bande entière quitta le Salon des Refusés, en décidant qu’on allait passer par la salle de l’architecture ; car, depuis un instant, Dubuche, dont on avait reçu un projet de Musée, piétinait et les suppliait d’un regard si humble, qu’il semblait difficile de ne pas lui donner cette satisfaction.

— Ah ! dit plaisamment Jory, en entrant dans la salle, quelle glacière ! On respire ici. 

Tous se découvrirent et s’essuyèrent le front avec soulagement, comme s’ils arrivaient sous la fraîcheur de grands ombrages, au bout d’une longue course en plein soleil. La salle était vide. Du plafond, tendu d’un écran de toile blanche, tombait une clarté égale, douce et morne, qui se reflétait, pareille à une eau de source immobile, dans le miroir du parquet fortement ciré. Aux quatre murs, d’un rouge déteint, les projets, les grands et les petits châssis, bordés de bleu pâle, mettaient les taches lavées de leurs teintes d’aquarelle. Et seul, absolument seul au milieu de ce désert, un monsieur barbu se tenait debout devant un projet d’Hospice, plongé dans une contemplation profonde. Trois dames parurent, s’effacèrent, traversèrent en fuyant à petits pas pressés.

Déjà Dubuche montrait et expliquait son œuvre