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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/187

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L’ŒUVRE.

ceur de leur jeune ménage ! Elle, joyeuse, battait des mains. Lui, saignant encore de son échec du Salon, ayant le besoin de se reprendre, aspirait à ce grand repos de la bonne nature ; et il aurait là-bas le vrai plein air, il travaillerait dans l’herbe jusqu’au cou, il rapporterait des chefs-d’œuvre. En deux jours, tout fut prêt, le congé de l’atelier donné, les quatre meubles portés au chemin de fer. Une chance heureuse leur était advenue, une fortune, cinq cents francs payés par le père Malgras, pour un lot d’une vingtaine de toiles, qu’il avait triées au milieu des épaves du déménagement. Ils allaient vivre comme des princes, Claude avait sa rente de mille francs, Christine apportait quelques économies, un trousseau, des robes. Et ils se sauvèrent, une véritable fuite, les amis évités, pas même prévenus par une lettre, Paris dédaigné et lâché avec des rires de soulagement.

Juin s’achevait, une pluie torrentielle tomba pendant la semaine de leur installation ; et ils découvrirent que le père Poirette, avant de signer avec eux, avait enlevé la moitié des ustensiles de cuisine. Mais la désillusion restait sans prise, ils pataugeaient avec délices sous les averses, ils faisaient des voyages de trois lieues, jusqu’à Vernon, pour acheter des assiettes et des casseroles, qu’ils rapportaient en triomphe. Enfin, ils furent chez eux, n’occupant en haut qu’une des deux chambres, abandonnant l’autre aux souris, transformant en bas la salle à manger en un vaste atelier, surtout heureux, amusés comme des enfants, de manger dans la cuisine, sur une table de sapin, près de l’âtre où chantait le pot-au-feu. Ils avaient pris pour les servir une fille du village, qui venait le matin et s’en allait le soir, Mélie, une nièce