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LES ROUGON-MACQUART.

chatouillait de son souffle, derrière l’oreille, en tâchant de la confesser. Que savait-elle de l’homme, là-bas ? qu’en disait-elle avec ses amies ? quelle idée se faisait-elle de ça ?

— Voyons, mon mimi, conte-moi un peu… Est-ce que tu te doutais ?  

Mais elle avait son rire mécontent, elle essayait de se dégager.

— Es-tu bête ! laisse-moi donc !… À quoi ça t’avance-t-il ?

— Ça m’amuse… Alors, tu savais ?  

Elle eut un geste de confusion, les joues envahies de rougeur.

— Mon Dieu ! comme les autres, des choses… 

Puis, en se cachant la face contre son épaule :

— On est bien étonnée tout de même. 

Il éclata de rire, la serra follement, la couvrit d’une pluie de baisers. Mais, quand il crut l’avoir conquise et qu’il voulut obtenir ses confidences, ainsi que d’un camarade qui n’a rien à cacher, elle s’échappa en phrases fuyantes, elle finit par bouder, muette, impénétrable. Et jamais elle n’en avoua plus long, même à lui qu’elle adorait. Il y avait là ce fond que les plus franches gardent, cet éveil de leur sexe dont le souvenir demeure enseveli et comme sacré. Elle était très femme, elle se réservait, en se donnant toute.

Pour la première fois, ce jour-là, Claude sentit qu’ils restaient étrangers. Une impression de glace, le froid d’un autre corps, l’avait saisi. Est-ce que rien de l’un ne pouvait donc pénétrer dans l’autre, quand ils s’étouffaient, entre leurs bras éperdus, avides d’étreindre toujours davantage, au delà même de la possession ?