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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/197

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L’ŒUVRE.

volonté. Jamais il n’avait voulu ce ménage, même avec elle ; il en aurait eu l’horreur, si on l’avait consulté ; et ça s’était fait cependant, et ça n’était plus à défaire ; car, sans parler de l’enfant, il était de ceux qui n’ont point le courage de rompre. Évidemment, cette destinée l’attendait, il devait s’en tenir à la première qui n’aurait pas honte de lui. La terre dure sonnait sous ses galoches, le vent glacial figeait sa rêverie, attardée à des pensées vagues, à sa chance d’être tombé du moins sur une fille honnête, à tout ce qu’il aurait souffert de cruel et de sale, s’il s’était mis avec un modèle, las de rouler les ateliers ; et il était repris de tendresse, il se hâtait de rentrer pour serrer Christine de ses deux bras tremblants, comme s’il avait failli la perdre, déconcerté seulement lorsqu’elle se dégageait, en poussant un cri de douleur.

— Oh ! pas si fort ! tu me fais du mal !

Elle portait les mains à son ventre, et lui regardait ce ventre, toujours avec la même surprise anxieuse.

L’accouchement eut lieu vers le milieu de février. Une sage-femme était venue de Vernon, tout marcha très bien : la mère fut sur pied au bout de trois semaines, l’enfant, un garçon, très fort, tétait si goulûment, qu’elle devait se lever jusqu’à cinq fois la nuit, pour l’empêcher de crier et de réveiller son père. Dès lors, le petit être révolutionna la maison, car elle, si active ménagère, se montra nourrice très maladroite. La maternité ne poussait pas en elle, malgré son bon cœur et ses désolations au moindre bobo ; elle se lassait, se rebutait tout de suite, appelait Mélie, qui aggravait les embarras par sa stupidité béante ; et il fallait que le père accourût l’aider, plus gêné encore que les deux femmes. Son ancien malaise à coudre, son inaptitude aux travaux