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L’ŒUVRE.

gnée par ce régal de couleurs, s’il avait voulu finir davantage, et si elle n’était restée interdite parfois, devant un terrain lilas ou devant un arbre bleu, qui déroutaient toutes ses idées arrêtées de coloration. Un jour qu’elle osait se permettre une critique, précisément à cause d’un peuplier lavé d’azur, il lui avait fait constater, sur la nature même, ce bleuissement délicat des feuilles. C’était vrai pourtant, l’arbre était bleu ; mais, au fond, elle ne se rendait pas, condamnait la réalité : il ne pouvait y avoir des arbres bleus dans la nature.

Elle ne parla plus que gravement des études qu’il accrochait aux murs de la salle. L’art rentrait dans leur vie, et elle en demeurait toute songeuse. Quand elle le voyait partir avec son sac, sa pique et son parasol, il lui arrivait de se pendre d’un élan à son cou.

— Tu m’aimes, dis ?

— Es-tu bête ! pourquoi veux-tu que je ne t’aime pas ?

— Alors, embrasse-moi comme tu m’aimes, bien fort, bien fort !  

Puis, l’accompagnant jusque sur la route :

— Et travaille, tu sais que je ne t’ai jamais empêché de travailler… Va, va, je suis contente, lorsque tu travailles.

Une inquiétude parut s’emparer de Claude, lorsque l’automne de cette seconde année fit jaunir les feuilles et ramena les premiers froids. La saison fut justement abominable, quinze jours de pluies torrentielles le retinrent oisif à la maison ; ensuite, des brouillards vinrent à chaque instant contrarier ses séances. Il restait assombri devant le feu, il ne parlait jamais de Paris, mais la ville se dressait là-bas, à