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L’ŒUVRE.

point… Tu l’as eue honnête, tu devrais l’épouser.

— Mais quand elle voudra, mon vieux ! Bien sûr que je ne songe pas à la planter là, avec un enfant. 

Ensuite, Sandoz s’émerveilla des études pendues aux murs. Ah ! le gaillard avait joliment employé son temps ! Quelle justesse de ton, quel coup de vrai soleil ! Et Claude, qui l’écoutait, ravi, avec des rires d’orgueil, allait le questionner sur les camarades, sur ce qu’ils faisaient tous, lorsque Christine rentra, en criant :

— Venez vite, les œufs sont sur la table. 

On déjeuna dans la cuisine, un déjeuner extraordinaire, une friture de goujons après les œufs à la coque, puis le bouilli de la veille assaisonné en salade, avec des pommes de terre et un hareng saur. C’était délicieux, l’odeur forte et appétissante du hareng que Mélie avait culbuté sur la braise, la chanson du café qui passait goutte à goutte dans le filtre, au coin du fourneau. Et, quand le dessert parut, des fraises cueillies à l’instant, un fromage qui sortait de la laiterie d’une voisine, on causa sans fin, les coudes carrément sur la table. À Paris ? mon Dieu ! à Paris, les camarades ne faisaient rien de bien neuf. Pourtant, dame ! ils jouaient des coudes, ils se poussaient à qui se caserait le premier. Naturellement, les absents avaient tort, il était bon d’y être, lorsqu’on ne voulait pas se laisser trop oublier. Mais est-ce que le talent n’était pas le talent ? est-ce qu’on n’arrivait pas toujours, lorsqu’on en avait la volonté et la force ? Ah ! oui, c’était le rêve, vivre à la campagne, y entasser des chefs-d’œuvre, puis un beau jour écraser Paris, en ouvrant ses malles !

Le soir, lorsque Claude accompagna Sandoz à la gare, ce dernier lui dit :