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L’ŒUVRE.

taire de la Richaudière ; et c’était une histoire compliquée, dont les détails l’étonnaient et l’égayaient énormément. D’abord, cet animal de Dubuche venait de décrocher une médaille, pour un projet de pavillon au milieu d’un parc, qu’il avait exposé ; ce qui était déjà très amusant, car le projet, disait-on, avait dû être remis debout par son patron Dequersonnière, lequel, tranquillement, l’avait fait médailler par le jury, qu’il présidait. Ensuite, le comble était que cette récompense attendue avait décidé le mariage. Hein ? un joli trafic, si, maintenant, les médailles servaient à caser les bons élèves nécessiteux au sein des familles riches ! Le père Margaillan, comme tous les parvenus, rêvait de trouver un gendre qui l’aidât, qui lui apportât, dans sa partie, des diplômes authentiques et d’élégantes redingotes ; et, depuis quelque temps, il couvait des yeux ce jeune homme, cet élève de l’École des Beaux-Arts, dont les notes étaient excellentes, si appliqué, si recommandé par ses maîtres. La médaille l’enthousiasma, du coup il donna sa fille, il prit cet associé qui décuplerait les millions en caisse, puisqu’il savait ce qu’il était nécessaire de savoir pour bien bâtir. D’ailleurs, la pauvre Régine, toujours triste, d’une santé chancelante, aurait là un mari bien portant.

— Crois-tu ? répétait Claude à sa femme, faut-il aimer l’argent, pour épouser ce malheureux petit chat écorché !  

Et, comme Christine, apitoyée, la défendait :

— Mais je ne tape pas sur elle. Tant mieux si le mariage ne l’achève pas ! Elle est certainement innocente de ce que son maçon de père a eu l’ambition stupide d’épouser une fille de bourgeois, et de ce qu’ils l’ont si mal fichue à eux deux, lui le sang gâté