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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/231

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L’ŒUVRE.

Elle le mit tout de suite à l’aise, en l’accueillant comme un ancien camarade, et il vit, en effet, qu’elle ne remarquait même pas son vieux paletot. Lui, s’étonnait, car il la reconnaissait à peine. En quatre ans, elle était devenue autre, la tête faite avec un art de cabotine, le front diminué par la frisure des cheveux, la face tirée en longueur, grâce à un effort de sa volonté sans doute, rousse ardente de blonde pâle qu’elle était, si bien qu’une courtisane du Titien semblait maintenant s’être levée du petit voyou de jadis. Ainsi qu’elle le disait parfois, dans ses heures d’abandon : ça, c’était sa tête pour les jobards. L’hôtel, étroit, avait encore des trous, au milieu de son luxe. Ce qui frappa le peintre, ce fut quelques bons tableaux pendus aux murs, un Courbet, une ébauche de Delacroix surtout. Elle n’était donc pas bête, cette fille, malgré un chat en biscuit colorié, affreux, qui se prélassait sur une console du salon ?

Lorsque Jory parla d’envoyer le valet de chambre prévenir chez son ami, elle s’écria, pleine de surprise :

— Comment ! vous êtes marié ?

— Mais oui, répondit Claude simplement.

Elle regarda Jory qui souriait, elle comprit et ajouta :

— Ah ! vous vous êtes collé… Que me disait-on que vous aviez horreur des femmes ?… Et vous savez que me voilà vexée joliment, moi qui vous ai fait peur, rappelez-vous ! Hein ? vous me trouvez donc bien laide, que vous vous reculez encore ?

Des deux mains, elle avait pris les siennes, et elle avançait le visage, souriante et vraiment blessée au fond, le regardant de tout près, dans les yeux, avec la volonté aiguë de plaire. Il eut un petit frisson sous