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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/255

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L’ŒUVRE.

la fièvre ni les violences d’autrefois : chacun parlait de lui, finissait par se taire, en voyant que personne ne l’écoutait. Au fromage, cependant, lorsqu’on eut goûté d’un petit vin de Bourgogne, un peu aigrelet, dont le ménage s’était risqué à faire venir une pièce, sur les droits d’auteur du premier roman, les voix s’élevèrent, on s’anima.

— Alors, tu as traité avec Naudet ? demanda Mahoudeau, dont le visage osseux d’affamé s’était creusé encore. Est-ce vrai qu’il t’assure cinquante mille francs la première année ?

Fagerolles répondit du bout des lèvres :

— Oui, cinquante mille… Mais rien n’est fait, je me tâte, c’est raide de s’engager ainsi. Ah ! c’est moi qui ne m’emballe pas !

— Fichtre ! murmura le sculpteur, tu es difficile. Pour vingt francs par jour, moi, je signe ce qu’on voudra.

Tous, maintenant, écoutaient Fagerolles, qui jouait l’homme excédé par le succès naissant. Il avait toujours sa jolie figure inquiétante de gueuse ; mais un certain arrangement des cheveux, la coupe de la barbe, lui donnaient une gravité. Bien qu’il vînt encore de loin en loin chez Sandoz, il se séparait de la bande, se lançait sur les boulevards, fréquentait les cafés, les bureaux de rédaction, tous les lieux de publicité où il pouvait faire des connaissances utiles. C’était une tactique, une volonté de se tailler son triomphe à part, cette idée maligne que, pour réussir, il ne fallait plus avoir rien de commun avec ces révolutionnaires, ni un marchand, ni les relations, ni les habitudes. Et l’on disait même qu’il mettait les femmes de deux ou trois salons dans sa chance, non pas en mâle brutal comme Jory, mais en vicieux