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LES ROUGON-MACQUART.

ment, cette pauvre infirme, cette femme si vieille, qui m’appelait sa fille. J’ai mal agi, ça ne me portera pas chance. Va, ne dis pas non, je le sens bien, que c’est fini pour moi désormais. 

Et elle pleura, suffoquée par ces regrets confus, où elle ne pouvait lire, sous cette sensation unique que son existence était gâtée, qu’elle n’avait plus que du malheur à attendre de la vie.

— Voyons, essuie tes yeux, reprit-il, devenu tendre. Toi qui n’étais pas nerveuse, est-ce possible que tu te forges des chimères et que tu te tourmentes de la sorte ?… Que diable, nous nous en tirerons ! Et, d’abord, tu sais que c’est toi qui m’as fait trouver mon tableau… Hein ? tu n’es pas si maudite puisque tu portes chance !  

Il riait, elle hocha la tête, en voyant bien qu’il voulait la faire sourire. Son tableau, elle en souffrait déjà ; car, là-bas, sur le pont, il l’avait oubliée, comme si elle eût cessé d’être à lui ; et, depuis la veille, elle le sentait de plus en plus loin d’elle, ailleurs, dans un monde où elle ne montait pas. Mais elle se laissa consoler, ils échangèrent un de leurs baisers d’autrefois, avant de quitter la table, pour se mettre au lit.

Le petit Jacques n’avait rien entendu. Engourdi d’immobilité, il venait de s’endormir, la joue dans son livre d’images ; et sa tête trop grosse d’enfant manqué du génie, si lourde parfois qu’elle lui pliait le cou, blêmissait sous la lampe. Lorsque sa mère le coucha, il n’ouvrit même pas les yeux.

Ce fut à cette époque seulement que Claude eut l’idée d’épouser Christine. Tout en cédant aux conseils de Sandoz, qui s’étonnait d’une irrégularité inutile, il obéit surtout à un sentiment de pitié, au