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LES ROUGON-MACQUART.

des eaux de teinture, pour qu’on y pût caser l’existence de trois personnes. Mais l’installation n’en fut pas moins laborieuse, car cette halle de quinze mètres sur dix ne leur donnait qu’une pièce, un hangar de bohémiens faisant tout en commun. Il fallut que le peintre lui-même, devant la mauvaise grâce du propriétaire, la coupât, dans un bout, d’une cloison de planches, derrière laquelle il ménagea une cuisine et une chambre à coucher. Cela les enchanta, malgré les crevasses de la toiture, où soufflait le vent : les jours de gros orages, ils étaient obligés de mettre des terrines sous les fentes trop larges. C’était d’un vide lugubre, leurs quatre meubles dansaient le long des murailles nues. Et ils se montraient fiers d’être logés si à l’aise, ils disaient aux amis que le petit Jacques aurait au moins de l’espace, pour courir un peu. Ce pauvre Jacques, malgré ses neuf ans sonnés, ne poussait guère vite ; sa tête seule continuait de grossir, on ne pouvait l’envoyer plus de huit jours de suite à l’école, d’où il revenait hébété, malade d’avoir voulu apprendre ; si bien que, le plus souvent, ils le laissaient vivre à quatre pattes autour d’eux, se traînant dans les coins.

Alors, Christine, qui, depuis longtemps, n’était plus mêlée au travail quotidien de Claude, vécut de nouveau avec lui chaque heure des longues séances. Elle l’aida à gratter et à poncer l’ancienne toile, elle lui donna des conseils pour la rattacher au mur plus solidement. Mais ils constatèrent un désastre : l’échelle roulante s’était détraquée sous l’humidité du toit ; et, de crainte d’une chute, il dut la consolider par une traverse de chêne, pendant que, un à un, elle lui passait les clous. Tout, une seconde fois, était