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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/336

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LES ROUGON-MACQUART.

créait comme une fille échappée, à moitié dévêtue elle-même, le pinçant, le mordant, jouant à des jeux de mains, en vrai petit voyou du pavé.

— Tu sais, ma tête pour les jobards, mon Titien, comme ils disent, ce n’est pas pour toi… Ah ! tu me changes, vrai ! tu es différent !

Et elle l’empoignait, lui disait combien elle avait eu envie de lui, parce qu’il était mal peigné. De grands rires étranglaient les mots dans sa gorge. Il lui semblait si laid, si comique, qu’elle le baisait partout avec rage.

Vers trois heures du matin, au milieu des draps froissés, arrachés, Irma s’allongea, nue, la chair gonflée de sa débauche, bégayante de lassitude.

— Et ton collage, à propos, tu l’as donc épousée ?

Claude, qui s’endormait, rouvrit des yeux hébétés.

— Oui.

— Et tu couches toujours avec ?

— Mais oui.

Elle se remit à rire, elle ajouta simplement :

— Ah ! mon pauvre gros, mon pauvre gros, ce que vous devez vous embêter !

Le lendemain, quand Irma laissa partir Claude, toute rose comme après une nuit de grand repos, correcte dans son peignoir, coiffée déjà et calmée, elle garda un instant ses mains entre les siennes ; et, très affectueuse, elle le contemplait d’un air à la fois attendri et blagueur.

— Mon pauvre gros, ça ne t’a pas fait plaisir. Non ! ne jure pas, nous le sentons, nous autres femmes… Mais, à moi, ça m’en a fait beaucoup, oh ! beaucoup… Merci, merci bien !

Et c’était fini, il aurait fallu qu’il la payât très cher, pour qu’elle recommençât.