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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/339

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L’ŒUVRE.

pieds malades d’immobilité, sans pitié pour l’épuisement où il la sentait, de même qu’il se montrait d’une dureté féroce pour sa propre fatigue. Il s’entêtait à un chef-d’œuvre, il exigeait que sa figure debout valût cette figure couchée, qu’il voyait sur le mur rayonner de vie. Continuellement, il la consultait, il la comparait, désespéré et fouetté par la peur de ne l’égaler jamais plus. Il lui jetait un coup d’œil, un autre à Christine, un autre à sa toile, s’emportait en jurons, quand il ne se contentait pas. Enfin, il tomba sur sa femme.

— Aussi, ma chère, tu n’es plus comme là-bas, quai de Bourbon. Ah ! mais, plus du tout !… C’est très drôle, tu as eu la poitrine mûre de bonne heure. Je me souviens de ma surprise, quand je t’ai vue avec une gorge de vraie femme, tandis que le reste gardait la finesse grêle de l’enfance… Et si souple, et si frais, une éclosion de bouton, un charme de printemps… Certes, oui, tu peux t’en flatter, ton corps a été bigrement bien !

Il ne disait pas ces choses pour la blesser, il parlait simplement en observateur, fermant les yeux à demi, causant de son corps comme d’une pièce d’étude qui s’abîmait.

— Le ton est toujours splendide, mais le dessin, non, non, ce n’est plus ça !… Les jambes, oh ! les jambes, très bien encore ; c’est ce qui s’en va en dernier, chez la femme… Seulement, le ventre et les seins, dame ! ça se gâte. Ainsi, regarde-toi dans la glace : il y a là, près des aisselles, des poches qui se gonflent, et ça n’a rien de beau. Va, tu peux chercher sur son corps, à elle, ces poches n’y sont pas.

D’un regard tendre, il désignait la figure couchée ; et il conclut :