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LES ROUGON-MACQUART.

Aussi, on faisait hier un bruit insupportable, Comment veut-on qu’on juge de la sorte, au galop, si je ne puis pas même obtenir le silence !

Il donna un terrible coup de sonnette.

— Allons, messieurs, nous y sommes… Un peu de bonne volonté, je vous prie.

Par malheur, dès les premiers tableaux posés sur le chevalet, il eut encore une mésaventure. Entre autres, une toile attira son attention, tellement il la trouvait mauvaise, d’un ton aigre à agacer les dents ; et comme sa vue baissait, il se pencha pour voir la signature, en murmurant :

— Quel est donc le cochon… ?

Mais il se releva vivement, tout secoué d’avoir lu le nom d’un de ses amis, un artiste qui était, lui aussi, le rempart des saines doctrines. Espérant qu’on ne l’avait pas entendu, il cria :

— Superbe !… Le numéro un, n’est-ce pas, messieurs ?

On accorda le numéro un, l’admission qui donnait droit à la cimaise. Seulement, on riait, on se poussait du coude. Il en fut très blessé et devint farouche.

Et ils en étaient tous là, beaucoup s’épanchaient au premier regard, puis rattrapaient leurs phrases, dès qu’ils avaient déchiffré la signature ; ce qui finissait par les rendre prudents, gonflant le dos, s’assurant du nom, l’œil furtif, avant de se promener. D’ailleurs, lorsque passait l’œuvre d’un collègue, quelque toile suspecte d’un membre du jury, on avait la précaution de s’avertir d’un signe, derrière les épaules du peintre : « Prenez garde, pas de gaffe, c’est de lui ! »

Malgré l’énervement de la séance, Fagerolles enleva une première affaire. C’était un épouvantable