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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/409

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L’ŒUVRE.

une allusion, sans un embarras sous les regards des camarades. Elle semblait venir d’ailleurs, il la leur présentait, comme s’ils ne l’avaient pas connue aussi bien que lui.

Sandoz, qui suivait d’une oreille la conversation, très intéressé par ce beau cas, s’écria, quand ils se turent :

— Hein ? filons… J’ai les jambes engourdies.

Mais, à ce moment, Irma Bécot parut et s’arrêta devant le buffet. Elle était en beauté, les cheveux dorés à neuf, dans son éclat truqué de courtisane fauve, descendue d’un vieux cadre de la Renaissance ; et elle portait une tunique de brocart bleu pâle, sur une jupe de satin couverte d’Alençon, d’une telle richesse, qu’une escorte de messieurs l’accompagnait. Un instant, en apercevant Claude parmi les autres, elle hésita, saisie d’une honte lâche, en face de ce misérable mal vêtu, laid et méprisé. Puis, elle eut la vaillance de son ancien caprice, ce fut à lui qu’elle serra la main le premier, au milieu de tous ces hommes corrects, arrondissant des yeux surpris. Elle riait d’un air de tendresse, avec une amicale moquerie qui pinçait un peu les coins de sa bouche.

— Sans rancune, lui dit-elle gaiement.

Et ce mot, qu’ils furent les seuls à comprendre, redoubla son rire. C’était toute leur histoire. Le pauvre garçon qu’elle avait dû violenter, et qui n’y avait pris aucun plaisir !

Déjà, Fagerolles payait les deux chartreuses et s’en allait avec Irma, que Jory se décida également à suivre. Claude les regarda s’éloigner tous les trois, elle entre les deux hommes, marchant royalement parmi la foule, très admirés, très salués.

— On voit bien que Mathilde n’est pas là, dit sim-