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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/408

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LES ROUGON-MACQUART.

seul, pour en faire l’instrument conjugal de sa puissance. On disait les avoir vus communier tous les deux à Notre-Dame de Lorette. Ils s’embrassaient devant le monde, ils s’appelaient de petits noms tendres. Seulement, le soir, il devait raconter sa journée, et si l’emploi d’une heure restait louche, s’il ne rapportait pas jusqu’aux centimes des sommes qu’il touchait, elle lui faisait passer une telle nuit, à le menacer de maladies graves, à refroidir le lit de ses refus dévots, que, chaque fois, il achetait plus chèrement son pardon.

— Alors, répéta Jory, se complaisant dans son histoire, nous avons attendu la mort de mon père, et je l’ai épousée.

Claude, l’esprit perdu jusque-là, hochant la tête sans écouter, fut seulement frappé par la dernière phrase.

— Comment, tu l’as épousée ?… Mathilde !

Il mit dans cette exclamation son étonnement de l’aventure, tous les souvenirs qui lui revenaient de la boutique à Mahoudeau. Ce Jory, il l’entendait encore parler d’elle en termes abominables, il se rappelait ses confidences, un matin, sur un trottoir, des orgies romantiques, des horreurs, au fond de l’herboristerie empestée par l’odeur forte des aromates. Toute la bande y avait passé, lui s’était montré plus insultant que les autres, et il l’épousait ! Vraiment, un homme était bête de mal parler d’une maîtresse, même de la plus basse, car il ne savait jamais s’il ne l’épouserait pas, un jour.

— Eh ! oui, Mathilde, répondit l’autre, souriant. Va, ces vieilles maîtresses, ça fait encore les meilleures femmes.

Il était plein de sérénité, la mémoire morte, sans