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LES ROUGON-MACQUART.

Claude, pâli d’un malaise, levait les yeux, à chaque seconde. Ah ! ce grondement terrible, ce galop dévorateur du monstre, dont il sentait la secousse jusque dans ses membres !

Il tendit la main sans parler.

— Tu nous quittes ? s’écria Sandoz. Fais encore un tour avec nous, et nous partirons ensemble.

Puis, une pitié lui serra le cœur, en le voyant si las. Il le sentait à bout de courage, désireux de solitude, pris du besoin de fuir seul, pour cacher sa blessure.

— Alors, adieu, mon vieux… Demain, j’irai chez toi.

Claude, chancelant, poursuivi par la tempête d’en haut, disparut derrière les massifs du jardin.

Et, deux heures plus tard, dans la salle de l’Est, Sandoz, qui, après avoir perdu Mahoudeau, venait de le retrouver avec Jory et Fagerolles, aperçut Claude, debout devant sa toile, à la place même où il l’avait rencontré la première fois. Le misérable, au moment de partir, était remonté là, malgré lui, attiré, obsédé.

C’était l’étouffement embrasé de cinq heures, lorsque la cohue, épuisée de tourner le long des salles, saisie du vertige des troupeaux lâchés dans un parc, s’effare et s’écrase, sans trouver la sortie. Depuis le petit froid du matin, la chaleur des corps, l’odeur des haleines avaient alourdi l’air d’une vapeur rousse ; et la poussière des parquets, volante, montait en un fin brouillard, dans cette exhalaison de litière humaine. Des gens s’emmenaient encore devant des tableaux, dont les sujets seuls frappaient et retenaient le public. On s’en allait, on revenait, on piétinait sans fin. Les femmes surtout s’entêtaient à ne pas lâcher pied, à en être jusqu’au moment où les gardiens les