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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/413

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L’ŒUVRE.

pousseraient dehors, dès le premier coup de six heures. De grosses dames s’étaient échouées. D’autres, n’ayant pas découvert le moindre petit coin pour s’asseoir, s’appuyaient fortement sur leurs ombrelles, défaillantes, obstinées quand même. Tous les yeux, inquiets et suppliants, guettaient les banquettes chargées de monde. Et il n’y avait plus, flagellant ces milliers de têtes, que ce dernier coup de la fatigue, qui délabrait les jambes, tirait la face, ravageait le front de migraine, cette migraine spéciale des Salons, faite de la cassure continuelle de la nuque et de la danse aveuglante des couleurs.

Seuls, sur le pouf où ils se contaient déjà leurs histoires, dès midi, les deux messieurs décorés causaient toujours tranquillement, à cent lieues. Peut-être y étaient-ils revenus, peut-être n’en avaient-ils pas même bougé.

— Et, comme ça, disait le gros, vous êtes entré, en affectant de ne pas comprendre ?

— Parfaitement, répondait le mince, je les ai regardés et j’ai ôté mon chapeau… Hein ? c’était clair.

— Étonnant ! vous êtes étonnant, mon cher ami !

Mais Claude n’entendait que les sourds battements de son cœur, ne voyait que l’Enfant mort, en l’air, près du plafond. Il ne le quittait pas des yeux, il subissait la fascination qui le clouait là, en dehors de son vouloir. La foule, dans sa nausée de lassitude, tournoyait autour de lui ; des pieds écrasaient les siens, il était heurté, emporté ; et comme une chose inerte, il s’abandonnait, flottait, se retrouvait à la même place, sans baisser la tête, ignorant ce qui se passait en bas, ne vivant plus que là-haut, avec son œuvre, son petit Jacques, enflé dans la mort. Deux grosses larmes, immobiles entre ses paupières, l’em-