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LES ROUGON-MACQUART.

Plassans, à propos d’une nouvelle apprise la veille : oui, Pouillaud, l’ancien farceur du dortoir, devenu un avoué si grave, avait des ennuis, pour s’être laissé pincer avec des petites gueuses de douze ans. Ah ! l’animal de Pouillaud ! Mais Claude ne répondait plus, l’oreille aux aguets, ayant entendu prononcer son nom dans la salle à manger, et tâchant de comprendre.

C’étaient Jory, Mahoudeau et Gagnière, qui avaient recommencé le massacre, inassouvis, les dents longues. Leurs voix, d’abord chuchotantes, s’élevaient peu à peu. Ils en arrivaient à crier.

— Oh ! l’homme, je vous abandonne l’homme, disait Jory en parlant de Fagerolles. Il ne vaut pas cher… Et il vous a roulés, c’est vrai, ah ! ce qu’il vous a roulés, en rompant avec vous et en se faisant un succès sur votre dos ! Aussi vous n’avez guère été malins.

Mahoudeau, furieux, répondit :

— Pardi ! il suffisait d’être avec Claude pour être flanqué à la porte de partout.

— C’est Claude qui nous a tués, affirma carrément Gagnière.

Et ils continuèrent, abandonnant Fagerolles auquel ils reprochaient son aplatissement devant les journaux, son alliance avec leurs ennemis, ses câlineries à des baronnes sexagénaires, tapant désormais sur Claude devenu le grand coupable. Mon Dieu ! l’autre après tout n’était qu’une simple gueuse, comme il y en a tant, parmi les artistes, qui raccrochent le public au coin des rues, qui lâchent et déchirent les camarades, pour faire monter le bourgeois chez eux. Mais Claude, ce grand peintre raté, cet impuissant incapable de mettre une figure debout, malgré son