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L’ŒUVRE.

orgueil, les avait-il assez compromis, assez fichus dedans ! Ah ! oui, le succès était dans la rupture ! S’ils avaient pu recommencer, c’étaient eux qui n’auraient pas eu la bêtise de s’entêter à des histoires impossibles ! Et ils l’accusaient de les avoir paralysés, de les avoir exploités, parfaitement ! exploités, et d’une main si maladroite et si lourde, qu’il n’en avait lui-même tiré aucun parti.

— Enfin, moi, reprit Mahoudeau, ne m’a-t-il pas rendu idiot un moment ? Quand je songe à ça, je me tâte, je ne comprends plus pourquoi je m’étais mis de sa bande. Est-ce que je lui ressemble ? Est-ce qu’il y avait quelque chose de commun entre nous ?… Hein ? c’est exaspérant de s’en apercevoir si tard !

— Et à moi donc, continua Gagnière, il m’a bien volé mon originalité ! Croyez-vous que ça m’amuse d’entendre à chaque tableau, répéter derrière moi, depuis quinze ans : C’est un Claude !… Ah ! non, j’en ai assez, j’aime mieux ne plus rien faire… N’empêche que si j’avais vu clair, autrefois, je ne l’aurais pas fréquenté.

C’était le sauve-qui-peut, les derniers liens qui se rompaient, dans la stupeur de se voir tout d’un coup étrangers et ennemis, après une longue jeunesse de fraternité. La vie les avait débandés en chemin, et les profondes dissemblances apparaissaient, il ne leur restait à la gorge que l’amertume de leur ancien rêve enthousiaste, cet espoir de bataille et de victoire côte à côte, qui maintenant aggravait leur rancune.

— Le fait est, ricana Jory, que Fagerolles ne s’est pas laissé piller comme un niais.

Mais, vexé, Mahoudeau se fâcha.

— Tu as tort de rire, toi, car tu es aussi un joli lâcheur… Oui, tu nous disais toujours que tu nous