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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/473

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L’ŒUVRE.

de ton odeur, t’obéir comme un chien, manger, t’avoir et dormir, si je pouvais, si je pouvais !

Elle eut un cri de victoire.

— Enfin ! tu es à moi, il n’y a plus que moi, l’autre est bien morte !

Et elle l’arracha de l’œuvre exécrée, elle l’emporta dans sa chambre à elle, dans son lit, grondante, triomphante. Sur l’échelle, la bougie qui s’achevait, clignota un instant derrière eux, puis se noya. Cinq heures sonnèrent au coucou, pas une lueur n’éclairait encore le ciel brumeux de novembre. Et tout retomba aux froides ténèbres.

Christine et Claude, à tâtons, avaient roulé en travers du lit. Ce fut une rage, jamais ils n’avaient connu un emportement pareil, même aux premiers jours de leur liaison. Tout ce passé leur remontait au cœur, mais dans un renouveau aigu qui les grisait d’une ivresse délirante. L’obscurité flambait autour d’eux, ils s’en allaient sur des ailes de flamme, très haut, hors du monde, à grands coups réguliers, continus, toujours plus haut. Lui-même poussait des cris, loin de sa misère, oubliant, renaissant à une vie de félicité. Elle le fit blasphémer ensuite, provocante, dominatrice, avec un rire d’orgueil sensuel. « Dis que la peinture est imbécile. — La peinture est imbécile. — Dis que tu ne travailleras plus, que tu t’en moques, que tu brûleras tes tableaux, pour me faire plaisir. — Je brûlerai mes tableaux, je ne travaillerai plus. — Et dis qu’il n’y a que moi, que de me tenir là, comme tu me tiens, est le bonheur unique, que tu craches sur l’autre, cette gueuse que tu as peinte. Crache, crache donc, que je t’entende ! — Tiens ! je crache, il n’y a que toi. » Et elle le serrait à l’étouffer, c’était elle qui le possédait. Ils