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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/478

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LES ROUGON-MACQUART.

Dubuche était à Cannes avec ses enfants. Jory et Fagerolles s’abstenaient, l’un exécrant la mort, l’autre trop affairé. Seul, Mahoudeau rattrapa le convoi à la montée de la rue Lepic, et il expliqua que Gagnière devait avoir manqué le train.

Lentement, le corbillard gravissait la pente rude, dont le lacet tourne sur le flanc de la butte Montmartre, Par moments, des rues transversales qui dévalaient, des trouées brusques, montraient l’immensité de Paris, profonde et large ainsi qu’une mer. Lorsqu’on déboucha devant l’église Saint-Pierre, et qu’on transporta le cercueil, là-haut, il domina un instant la grande ville. C’était par un ciel gris d’hiver, de grandes vapeurs volaient, emportées au souffle d’un vent glacial ; et elle semblait agrandie, sans fin dans cette brume, emplissant l’horizon de sa houle menaçante. Le pauvre mort qui l’avait voulu conquérir et qui s’en était cassé la nuque, passa en face d’elle, cloué sous le couvercle de chêne, retournant à la terre, comme un de ces flots de boue qu’elle roulait.

À la sortie de l’église, la cousine disparut, Mahoudeau également. Le petit cousin avait repris sa place derrière le corps. Sept autres personnes inconnues se décidèrent, et l’on partit pour le nouveau cimetière de Saint-Ouen, que le peuple a nommé du nom inquiétant et lugubre de Cayenne. On était dix.

— Allons, il n’y aura que nous deux, décidément, répéta Bongrand, en se remettant en marche près de Sandoz.

Maintenant, le convoi, précédé par la voiture de deuil où s’étaient assis le prêtre et l’enfant de chœur, descendait l’autre versant de la butte, le long de rues