Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/483

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
483
L’ŒUVRE.

Mais il n’y avait que les perles, un ruissellement de perles cachant les inscriptions, recouvrant les pierres et les entourages, des perles en cœurs, en festons, en médaillons, des perles qui encadraient des sujets sous verre, des pensées, des mains enlacées, des nœuds de satin, jusqu’à des photographies de femme, de jaunes photographies de faubourg, de pauvres visages laids et touchants, avec leur sourire gauche.

Et, comme le corbillard suivait l’avenue du Rond-Point, Sandoz, ramené à Claude par son observation de peintre, se remit à causer.

— Un cimetière qu’il aurait compris, avec son enragement de modernité… Sans doute, il souffrait dans sa chair, ravagé par cette lésion trop forte du génie, trois grammes en moins ou trois grammes en plus, comme il le disait, lorsqu’il accusait ses parents de l’avoir si drôlement bâti. Mais son mal n’était pas en lui seulement, il a été la victime d’une époque… Oui, notre génération a trempé jusqu’au ventre dans le romantisme, et nous en sommes restés imprégnés quand même, et nous avons eu beau nous débarbouiller, prendre des bains de réalité violente, la tache s’entête, toutes les lessives du monde n’en ôteront pas l’odeur.

Bongrand souriait.

— Oh ! moi, j’en ai eu par-dessus la tête. Mon art en a été nourri, je suis même impénitent. S’il est vrai que ma paralysie dernière vienne de là, qu’importe ! Je ne puis renier la religion de toute ma vie d’artiste… Mais votre remarque est très juste : vous en êtes, vous autres, les fils révoltés. Ainsi, lui, avec sa grande Femme nue au milieu des quais, ce symbole extravagant…

— Ah ! cette Femme, interrompit Sandoz, c’est