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LES ROUGON-MACQUART.

Mais, enfin, le corbillard s’était arrêté, au milieu de l’avenue. Lorsque Sandoz aperçut la fosse prête, à l’angle du carré voisin, en face du cimetière des tout petits, il murmura tendrement :

— Ah ! mon vieux Claude, grand cœur d’enfant, tu seras bien à côté d’eux.

Les croque-morts descendaient le cercueil. Maussade, sous la bise, le prêtre attendait ; et des fossoyeurs étaient là, avec des pelles. Trois voisins avaient lâché en route, les dix n’étaient plus que sept. Le petit cousin, qui tenait son chapeau à la main depuis l’église, malgré le temps affreux, se rapprocha. Tous les autres se découvrirent, et les prières allaient commencer, lorsqu’un coup de sifflet déchirant fit lever les têtes.

C’était, dans ce bout vide encore, à l’extrémité de l’avenue latérale numéro 3, un train qui passait sur le haut talus du chemin de fer de ceinture, dont la voie dominait le cimetière. La pente gazonnée montait, et des lignes géométriques se détachaient en noir sur le gris du ciel, les poteaux télégraphiques reliés par les minces fils, une guérite de surveillant, la plaque d’un signal, la seule tache rouge et vibrante. Quand le train roula, avec son fracas de tonnerre, on distingua nettement, comme sur un transparent d’ombres chinoises, les découpures des wagons, jusqu’aux gens assis dans les trous clairs des fenêtres. Et la ligne redevint nette, un simple trait à l’encre coupant l’horizon ; tandis que, sans relâche, au loin, d’autres coups de sifflet appelaient, se lamentaient, aigus de colère, rauques de souffrance, étranglés de détresse. Puis, une corne d’appel résonna, lugubre.

— Revertitur in terram suam unde erat…, récitait