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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/487

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L’ŒUVRE.

même déchiré. Seulement, il me semble que cette convulsion dernière du vieil effarement religieux était à prévoir. Nous ne sommes pas une fin, mais une transition, un commencement d’autre chose… Cela me calme, cela me fait du bien, de croire que nous marchons à la raison et à la solidité de la science…

Sa voix s’était altérée d’une émotion profonde, et il ajouta :

— À moins que la folie ne nous fasse culbuter dans le noir, et que nous ne partions tous, étranglés par l’idéal, comme le vieux camarade qui dort là, entre ses quatre planches.

Le corbillard quittait l’avenue transversale numéro 2, pour tourner à droite dans l’avenue latérale numéro 3 ; et, sans parler, le peintre montra du regard à l’écrivain un carré de sépultures que longeait le cortège.

Il y a là un cimetière d’enfants, rien que des tombes d’enfants, à l’infini, rangées avec ordre, régulièrement séparées par des sentiers étroits, pareilles à une ville enfantine de la mort. C’étaient de toutes petites croix blanches, de tout petits entourages blancs, qui disparaissaient presque sous une floraison de couronnes blanches et bleues, au ras du sol ; et le champ paisible, d’un ton si doux, d’un bleuissement de lait, semblait s’être fleuri de cette enfance couchée dans la terre. Les croix disaient les âges : deux ans, seize mois, cinq mois. Une pauvre croix, sans entourage, qui débordait et se trouvait plantée de biais dans une allée, portait simplement : Eugénie, trois jours. N’être pas encore et dormir déjà là, à part, comme les enfants que les familles, aux soirs de fête, font dîner à la petite table !