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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/490

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LES ROUGON-MACQUART.

lant, à chaque tour de roue, le foyer ouvert, incendiant le jour morne d’une pluie de braise.

Enfin, la fosse fut vidée, on descendit le cercueil, on se passa le goupillon. C’était fini. Debout, de son air correct et charmant, le petit cousin fit les honneurs, serra les mains de tous ces gens qu’il n’avait jamais vus, en mémoire de ce parent dont il ne se rappelait pas le nom la veille.

— Mais il est très bien, ce calicot, dit Bongrand, qui ravalait ses larmes.

Sandoz, sanglotant, répondit :

— Très bien.

Tous s’en allaient, les surplis du prêtre et de l’enfant de chœur disparaissaient entre les arbres verts, les voisins débandés flânaient, lisaient les inscriptions.

Et Sandoz, se décidant à quitter la fosse à demi comblée, reprit :

— Nous seuls l’aurons connu... Plus rien, pas même un nom !

— Il est bien heureux, dit Bongrand, il n’a pas de tableau en train, dans la terre où il dort… Autant partir que de s’acharner comme nous à faire des enfants infirmes, auxquels il manque toujours des morceaux, les jambes ou la tête, et qui ne vivent pas.

— Oui, il faut vraiment manquer de fierté, se résigner à l’à peu près et tricher avec la vie… Moi qui pousse mes bouquins jusqu’au bout, je me méprise de les sentir incomplets et mensongers, malgré mon effort.

La face pâle, ils s’en allaient lentement, côte à côte, au bord des blanches tombes d’enfants, le romancier alors dans toute la force de son labeur et