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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/491

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L’ŒUVRE.

de sa renommée, le peintre déclinant et couvert de gloire.

— Au moins, en voilà un qui a été logique et brave, continua Sandoz. Il a avoué son impuissance et il s’est tué.

— C’est vrai, dit Bongrand. Si nous ne tenions pas si fort à nos peaux, nous ferions tous comme lui… N’est-ce pas ?

— Ma foi, oui. Puisque nous ne pouvons rien créer, puisque nous ne sommes que des reproducteurs débiles, autant vaudrait-il nous casser la tête tout de suite.

Ils se retrouvaient devant le tas allumé des vieilles bières pourries. Maintenant, elles étaient en plein feu, suantes et craquantes ; mais on ne voyait toujours pas les flammes, la fumée seule avait augmenté, une fumée âcre, épaisse, que le vent poussait en gros tourbillons, et qui couvrait le cimetière entier d’une nuée de deuil.

— Fichtre ! onze heures ! dit Bongrand en tirant sa montre. Il faut que je rentre.

Sandoz eut une exclamation de surprise.

— Comment ! déjà onze heures !

Il promena sur les sépultures basses, sur le vaste champ fleuri de perles, si régulier et si froid, un long regard de désespoir, encore aveuglé de larmes. Puis, il ajouta :

— Allons travailler.