Aller au contenu

Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
LES ROUGON-MACQUART.

abordèrent à un vestibule, étranglé, sans porte ; et il lui lâcha la main, elle l’entendit frotter des allumettes en jurant. Toutes étaient mouillées, il fallut monter à tâtons.

— Prenez la rampe, et méfiez-vous, les marches sont hautes.

L’escalier, très étroit, un ancien escalier de service, avait trois étages démesurés, qu’elle gravit en butant, les jambes cassées et maladroites. Ensuite, il la prévint qu’ils devaient suivre un long corridor ; et elle s’y engagea derrière lui, les deux mains filant contre les murs, allant sans fin dans ce couloir, qui revenait vers la façade, sur le quai. Puis, ce fut de nouveau un escalier, mais dans le comble celui-là, un étage de marches en bois qui craquaient, sans rampe, branlantes et raides comme les planches mal dégrossies d’une échelle de meunier. En haut, le palier était si petit, qu’elle se heurta dans le jeune homme, en train de chercher sa clef. Il ouvrit enfin.

— N’entrez pas, attendez. Autrement, vous vous cogneriez encore.

Et elle ne bougea plus. Elle soufflait, le cœur battant, les oreilles bourdonnant, achevée par cette montée dans le noir. Il lui semblait qu’elle montait depuis des heures, au milieu d’un tel dédale, parmi une telle complication d’étages et de détours, que jamais elle ne redescendrait. Dans l’atelier, de gros pas marchaient, des mains frôlaient, il y eut une dégringolade de choses, accompagnée d’une sourde exclamation. La porte s’éclaira.

— Entrez donc, ça y est.

Elle entra, regarda sans voir. L’unique bougie pâlissait dans ce grenier, haut de cinq mètres, empli d’une confusion d’objets, dont les grandes ombres