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LES ROUGON-MAQUART.

et, depuis huit jours, les élèves, retardés par les basses besognes payées du dehors, répétaient le cri : « Oh ! que je suis en charrette ! » Dès qu’elle parut, une clameur éclata. Il était neuf heures moins un quart, on avait le temps bien juste d’arriver à l’École. Une débandade énorme vida la salle ; chacun sortait ses châssis, au milieu des coudoiements ; ceux qui voulaient s’entêter à finir un détail, étaient bousculés, emportés. En moins de cinq minutes, les châssis de tous se trouvèrent empilés dans la voiture, et les deux gaillards barbus, les derniers nouveaux de l’atelier, s’attelèrent comme des bêtes, tirèrent au pas de course ; tandis que le flot des autres vociférait et poussait par derrière. Ce fut une rupture d’écluse, les deux cours franchies dans un fracas de torrent, la rue envahie, inondée de cette cohue hurlante.

Claude, cependant, s’était mis à courir, près de Dubuche, qui venait à la queue, très contrarié de n’avoir pas eu un quart d’heure de plus, pour soigner un lavis.

— Qu’est-ce que tu fais ensuite ?

— Oh ! j’ai des courses toute la journée.

Le peintre fut désespéré de voir que cet ami lui échappait encore.

— C’est bon, je te laisse… Et tu en es, ce soir, chez Sandoz ?

— Oui, je crois, à moins qu’on ne me retienne à dîner ailleurs. 

Tous deux s’essoufflaient. La bande, sans se ralentir, allongeait le chemin, pour promener davantage son vacarme. Après avoir descendu la rue du Four, elle s’était ruée à travers la place Gozlin, et elle se jetait dans la rue de l’Échaudé. En tête, la charrette à bras, tirée, poussée plus fort, bondissait sur les pavés inégaux,