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L’ŒUVRE.

petit détail, où se complaisait l’enfance de son être, à peine dégagé de la terre. Le poêle, avec une perspective de guingois, était sec et précis, d’un ton lugubre de vase.

Claude s’approcha, fut pris de pitié devant cette peinture ; et lui, si dur aux mauvais peintres, trouva un éloge.

— Ah ! vous, on ne peut pas dire que vous êtes un ficeleur ! Vous faites comme vous sentez, au moins. C’est très bien, ça !  

Mais la porte de la boutique s’était rouverte, et un beau garçon blond, avec un grand nez rose et de gros yeux bleus de myope, entrait en criant :

— Vous savez, l’herboriste d’à côté, elle est là qui raccroche… La sale tête !  

Tous rirent, sauf Mahoudeau, qui parut très gêné.

— Jory, le roi des gaffeurs, déclara Sandoz en serrant la main au nouveau venu.

— Hein ? quoi ? Mahoudeau couche avec, reprit Jory, lorsqu’il eut fini par comprendre. Eh bien ! qu’est-ce que ça fiche ? Une femme, ça ne se refuse jamais.

— Toi, se contenta de dire le sculpteur, tu es encore tombé sur les ongles de la tienne, elle t’a emporté un morceau de la joue. 

De nouveau, tous éclatèrent, et ce fut Jory qui devint rouge à son tour. Il avait, en effet, la face griffée, deux entailles profondes. Fils d’un magistrat de Plassans, qu’il désespérait par ses aventures de beau mâle, il avait comblé la mesure de ses débordements, en se sauvant avec une chanteuse de café-concert, sous le prétexte d’aller à Paris faire de la littérature ; et, depuis six mois qu’ils campaient ensemble dans un hôtel borgne du quartier Latin, cette