Et il se livra à un examen de la situation politique, pour prouver que l’empereur était mal conseillé. Il accusait Rougon de n’avoir plus son énergie autoritaire, sa foi de jadis au pouvoir absolu, de pactiser enfin avec les idées libérales, dans l’unique but de garder son portefeuille. Lui, se tapait du poing contre la poitrine, en se disant immuable, bonapartiste de la première heure, croyant du coup d’État, convaincu que le salut de la France était, aujourd’hui comme autrefois, dans le génie et la force d’un seul. Oui, plutôt que d’aider à l’évolution de son frère, plutôt que de laisser l’empereur se suicider par de nouvelles concessions, il rallierait les intransigeants de la dictature, il ferait cause commune avec les catholiques, pour enrayer la chute rapide qu’il prévoyait. Et que Rougon prît garde, car l’Espérance pouvait reprendre sa campagne en faveur de Rome !
Huret et Jantrou l’écoutaient, stupéfaits de sa colère, n’ayant jamais soupçonné en lui des convictions politiques si ardentes. Le premier s’avisa de vouloir défendre les derniers actes du gouvernement.
— Dame ! mon cher, si l’empire va à la liberté, c’est que toute la France est là qui pousse ferme… L’empereur est entraîné, Rougon se trouve bien obligé de le suivre.
Mais Saccard, déjà, sautait à d’autres griefs, sans se soucier de mettre quelque logique dans ses attaques.
— Et, tenez ! c’est comme notre situation extérieure, eh bien, elle est déplorable… Depuis le traité de Villafranca, après Solferino, l’Italie nous garde rancune de ne pas être allés jusqu’au bout de la campagne et de ne pas lui avoir donné la Vénétie ; si bien que la voici alliée avec la Prusse, dans la certitude que celle-ci l’aidera à battre l’Autriche… Lorsque la guerre éclatera, vous allez voir la bagarre, et quel ennui sera le nôtre ; d’autant plus que nous avons eu grand tort de laisser Bismarck et le roi Guillaume s’emparer des duchés, dans l’affaire du Danemark, au mépris d’un traité que la France avait signé : c’est un soufflet, il n’y a pas à dire, nous n’avons plus