Page:Emile Zola - L’Argent.djvu/296

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leine, de l’odeur fine et puissante qui s’exhalait d’elle tout entière. Mais il restait bien calme, et il ne se recula même pas, la chair morte, sans un aiguillon à réprimer. Tandis qu’elle parlait, lui dont l’estomac était également détruit, et qui vivait de laitage, il prenait un à un, dans un compotier, sur la table, des grains de raisin qu’il mangeait d’un geste machinal, l’unique débauche qu’il se permettait parfois, aux grandes heures de sensualité, quitte à la payer par des journées de souffrance.

Il eut un rire narquois, en homme qui se sait invincible, lorsque la baronne, d’un air d’oubli, dans le feu de sa prière, lui posa enfin sur le genou sa petite main tentatrice, aux doigts dévorants, souples comme un nœud de couleuvres. Plaisamment, il prit cette main, l’écarta en disant merci d’un signe de tête, ainsi que pour un cadeau inutile qu’on refuse. Et, sans perdre son temps davantage, allant droit au but :

— Voyons, vous êtes bien gentille, je voudrais vous être agréable… Ma belle amie, le jour où vous m’apporterez un bon conseil, je m’engage à vous en donner un aussi. Venez me dire ce qu’on fait, et je vous dirai ce que je ferai… Affaire conclue, hein ? 

Il s’était levé, et elle dut rentrer avec lui dans la grande salle voisine. Elle avait parfaitement compris le marché qu’il proposait, l’espionnage, la trahison. Mais elle ne voulut pas répondre, elle affecta de reparler de sa loterie de bienfaisance ; tandis que lui, de son hochement de tête goguenard, semblait ajouter qu’il ne tenait pas à être aidé, que le dénouement logique, fatal, arriverait quand même, un peu plus tard peut-être. Et, lorsqu’elle partit enfin, il était déjà repris par d’autres affaires, dans l’extraordinaire tumulte de cette halle aux capitaux, au milieu du défilé des gens de Bourse, de la galopade de ses employés, des jeux de ses petits-enfants, qui venaient d’arracher la tête de la poupée, avec des cris de triomphe. Il s’était assis à son étroite table, il s’absorba dans l’étude d’une idée soudaine, n’entendit plus rien.

Deux fois, la baronne Sandorff retourna aux bureaux