Page:Emile Zola - L’Argent.djvu/417

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l’on ne voulait pas le voir un beau matin en cour d’assises. Et, tandis qu’elle parlait, ses petits yeux, perdus dans la graisse de son visage, fouillaient la bonne dame, heureuse de la sentir bouleversée, se disant que le jour où elle aurait retrouvé le gamin, elle continuerait à tirer d’elle des pièces de cent sous.

— Alors, madame, c’est entendu, je vais m’en occuper… Dans le cas où vous désireriez avoir des nouvelles, ne prenez pas la peine de courir là-bas, rue Marcadet, montez simplement chez monsieur Busch, rue Feydeau, où vous êtes certaine de me rencontrer tous les jours, vers quatre heures. 

Madame Caroline rentra rue Saint-Lazare, tourmentée d’une anxiété nouvelle. C’était vrai, ce monstre, lâché par le monde, errant et traqué, quelle hérédité du mal allait-il assouvir au travers des foules, comme un loup dévorateur ? Elle déjeuna rapidement, elle prit une voiture, ayant le temps de passer boulevard Bineau, avant d’aller à la Conciergerie, brûlée du désir d’avoir des renseignements tout de suite. Puis, en chemin, dans le trouble de sa fièvre, une idée s’empara d’elle, la domina : se rendre d’abord chez Maxime, l’emmener à l’Œuvre, le forcer à s’occuper de Victor, dont il était le frère après tout. Lui seul restait riche, lui seul pouvait intervenir, s’occuper de l’affaire d’une façon très efficace.

Mais, avenue de l’Impératrice, dès le vestibule du petit hôtel luxueux, madame Caroline se sentit glacée. Des tapissiers enlevaient les tentures et les tapis, des domestiques mettaient des housses aux sièges et aux lustres, tandis que, de toutes les jolies choses remuées, sur les meubles, sur les étagères, s’exhalait un parfum mourant, ainsi que d’un bouquet jeté au lendemain d’un bal. Et, au fond de la chambre à coucher, elle trouva Maxime, entre deux énormes malles que le valet de chambre achevait d’emplir de tout un trousseau merveilleux, riche et délicat comme pour une mariée.

En l’apercevant, ce fut lui qui parla le premier, très froid, la voix sèche.