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VII


Ce vendredi-là, les voyageurs qui devaient, au Havre, prendre l’express de six heures quarante, eurent à leur réveil un cri de surprise : la neige tombait depuis minuit, en flocons si drus, si gros, qu’il y en avait dans les rues une couche de trente centimètres.

Déjà, sous la halle couverte, la Lison soufflait, fumante, attelée à un train de sept wagons, trois de deuxième classe et quatre de première. Lorsque, vers cinq heures et demie, Jacques et Pecqueux étaient arrivés au dépôt, pour la visite, ils avaient eu un grognement d’inquiétude, devant cette neige entêtée, dont crevait le ciel noir. Et, maintenant, à leur poste, ils attendaient le coup de sifflet, les yeux au loin, au-delà du porche béant de la marquise, regardant la tombée muette et sans fin des flocons rayer les ténèbres d’un frisson livide.

Le mécanicien murmura :

— Le diable m’emporte si l’on voit un signal !

— Encore si l’on peut passer ! dit le chauffeur.

Roubaud était sur le quai, avec sa lanterne, rentré à la minute précise pour prendre son service. Par instants, ses paupières meurtries se fermaient de fatigue, sans qu’il cessât sa surveillance Jacques lui ayant demandé s’il ne savait rien de l’état de la voie, il venait de s’approcher et de lui serrer la main, en répondant qu’il n’avait pas de dépêche encore ; et, comme Séverine descendait, envelop-