Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/235

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là-bas, on ne se serait pas au moins dévoré, dans l’ignorance de ce qui se passait. Il fallut retenir la dame anglaise, qui parlait, elle aussi, de regagner son compartiment et de s’y coucher. Quand on eut planté une chandelle sur un coin de la table, pour éclairer le monde, au fond de cette cuisine noire, le découragement fut immense, tout sombra dans un morne désespoir.

Là-bas, cependant, le déblaiement s’achevait ; et, tandis que l’équipe de soldats, qui avait dégagé la machine, balayait la voie devant elle, le mécanicien et le chauffeur venaient de remonter à leur poste.

Jacques, en voyant que la neige cessait enfin, reprenait confiance. L’aiguilleur Ozil lui, avait affirmé qu’au-delà du tunnel, du côté de Malaunay, les quantités tombées étaient bien moins considérables. De nouveau, il le questionna :

— Vous êtes venu à pied par le tunnel, vous avez pu y entrer et en sortir librement ?

— Quand je vous le dis ! Vous passerez, j’en réponds.

Cabuche, qui avait travaillé avec une ardeur de bon géant, se reculait déjà, de son air timide et farouche, que ses derniers démêlés avec la justice n’avaient fait qu’accroître ; et il fallut que Jacques l’appelât.

— Dites donc, camarade, passez-nous les pelles qui sont à nous, là, contre le talus. En cas de besoin, nous les retrouverions.

Et, lorsque le carrier lui eut rendu ce dernier service, il lui donna une vigoureuse poignée de main, pour lui montrer qu’il l’estimait malgré tout, l’ayant vu au travail.

— Vous êtes un brave homme, vous !

Cette marque d’amitié émut Cabuche d’une extraordinaire façon.

— Merci, dit-il simplement, en étranglant des larmes.

Misard, qui s’était remis avec lui, après l’avoir chargé devant le juge d’instruction, approuva de la tête, les